C’est après avoir déjeuné d’un cari d’aubergines, totalement végétarien et préparé par mes soins, qu’il m’est venu l’idée de m’attaquer à la star de l’été, j’ai nommé l’individu de sexe masculin qui travaille en ville et vit en périphérie d’une métropole, qui utilise une voiture diesel pour ses trajets quotidiens et qui, avec ses amis le dimanche, ne dédaigne pas partager une bière en jetant un regard attendri sur une pièce de bœuf, grillant doucement sur son barbecue à charbon de bois.
Je ne vais pas aborder le sujet sous un angle politique, climatique ou culinaire. D’autres s’en sont chargés avant moi. Je vais considérer l’aspect de la conduite du changement, autrement dit
« Comment influer efficacement et durablement sur son mode vie ?«
Tout d’abord, on sait depuis des années que le blâmer est contreproductif. Des travaux d’Anna Freud jusqu’aux études récentes de neuropsychologie*, les expérimentations montrent que, se sentant jugé pour son comportement, l’individu va se sentir agressé et mettre en place des mécanismes de défense. Soit en zappant la critique comme les fumeurs dont le cerveau filtre les messages de prévention qu’ils voient sur les paquets de cigarettes, soit en contre attaquant et en revendiquant ses modes de consommation, soit en transférant la responsabilité de ses actes sur autrui, la société, les pouvoirs publics…
Si on veut changer durablement le comportement de cet individu il va falloir passer d’une motivation extrinsèque, ici éviter le blâme, à une motivation intrinsèque, éprouver un plaisir personnel dans le nouveau mode de fonctionnement et s’accomplir en temps que personne humaine. Pour cela il faut étudier le système de contraintes dans lequel cette personne évolue. Les contraintes extérieures qui le poussent rationnellement à agir comme il le fait, les contraintes intérieures qui l’obligent à se conformer à ses valeurs.
Posons le premier comportement :
Cette personne utilise quotidiennement une voiture à moteur diesel, alors que le prix de l’énergie augmente et pèse fortement sur son budget.
Identifions les raisons derrière ce qui peut apparaitre comme un choix irrationnel :
Si on s’intéresse aux causes racines de on comportement, on va trouver des raisons extérieures :
Et aussi un besoin très fort de se conformer à des normes sociales en achetant son logement :
On pourrait trouver plein d’autres causes mais je doute qu’on trouve quelque chose qui résulte d’un choix qui soit totalement volontaire et qui ne soit le fruit d’un conditionnement social ou la conséquence de contraintes extérieures sur lesquelles il n’a que peu de prises.
Cela veut dire que si on veut faire évoluer le comportement de cet individu, il va falloir s’attaquer à ce champ de contraintes. Ce n’est qu’ensuite que l’on pourra mettre en place une motivation intrinsèque. On ne peut parler du temps retrouvé pour lire ou regarder une vidéo dans un train régional électrique que si ce train existe.
Il faudra créer des transports collectifs compatibles avec ses horaires de travail, assujettir l’autorisation de nouveaux lotissements à l’existence de modes de transport doux, revaloriser l’offre de logements collectifs mais aussi rendre accessible des modes d’épargne long terme qui présentent un profil de risque équivalent à l’immobilier et qui soient socialement acceptables. Il faut penser un monde nouveau, le proposer à la nation et le mettre en œuvre, autrement dit il faut faire de la politique.
Plus rapidement, si on revient au barbecue et qu’on s’intéresse au deuxième comportement :
Il fait cuire du bœuf au barbecue le dimanche
Il en faut pas non plus sous estimer le poids de la norme sociale. Imaginez le coup de téléphone: « Venez à la maison dimanche, j’ai acheté des carottes, on les râpera ensemble! »
Néanmoins, pour le barbecue, certaines solutions sont peut-être davantage accessibles que sur la voiture, comme par exemple, apprendre à cuisiner aux garçons petits et grands. A quand une émission de Cyril Lignac « J’épate ma copine en lui faisant un super repas végétarien ! » ?
Pour apporter ma pierre à l’édifice je vous mets un lien sur une recette de cari d’aubergine.
http://monilemapassion.com/2008/01/29/cari-dbringelle/
Elle est plutôt pas mal, même si je préfère garder l’aubergine en gros cubes pour « garder de la mâche ».
A vos couteaux!
Les références :
Nouvelles approches de la prévention en santé publique Chapitre 3.2 https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/104000139.pdf
**https://www.liberation.fr/cahier-special/2007/05/03/sarkozy-royal-le-debat-12_92063/